Paris-Alger, les liaisons contraintes !

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Après un long silence mutique qui commençait à devenir politiquement pesant, les autorités françaises ont réagi à l’intrusion du régime algérien dans les émeutes urbaines qu’a connues la France ces dernières semaines. Ce fut par la voix de la ministre des affaires étrangères, Catherine Colonna, et dans une interview à un média allemand.

Et ce ne fut même pas de manière directe et nominative. Ce fut en réponse à une question globale des pays qui ont ciblé la France par leurs reproches suite à ces événements dramatiques. La question fut formulée de la manière suivante: « Madame la ministre, l’Iran, la Turquie, l’Azerbaïdjan et l’Algérie ont publiquement critiqué la France pour les troubles. La réputation internationale de la France en a-t-elle souffert ? ».

Et la réponse de Catherine Colonna s’est voulue sarcastique: « Certains pays aux bilans désastreux en matière de droits de l’homme ont cru bon de nous faire la leçon, ce serait risible si leurs populations ne souffraient pas autant ».

Les médias algériens se sont jetés sur cette sortie médiatique pour la présenter comme la réponse de Paris au communiqué du ministère des affaires étrangères algérien où il se disait « choqué et consterné » et suivre « avec une grande attention » la situation en France.

Sauf que la France n’a pas la même relation et les mêmes enjeux avec l’Algérie qu’avec l’Azerbaïdjan ou l’Iran pour les englober dans une même réponse et ne pas réserver au régime algérien une réponse adéquate à la hauteur des liens de proximité entre les deux pays.

Il faut dire que la France officielle vit un moment de gêne et d’embarras à l’égard des récents comportements du régime algérien. Elle s’est sentie contrainte dans son expression devant au moins trois faits qui sont autant de provocations du régime algérien à l’égard de Paris.

Le premier est la réintroduction d’un couplet ouvertement hostile à la France au sein de l’hymne national algérien. Le second est la visite de Abdelmajid Tebboune en Russie et les critiques acerbes à peine voilées adressées à la France, pour le passé colonial, son activisme au Sahel et le positionnement algérien aux côtés des Russes aux antipodes des intérêts européens et américains dans la guerre russe en Ukraine.

Autant de comportements hostiles qui auraient nécessité une réaction française, voire un réajustement de la politique française à l’égard de l’Algérie. Mais au vu des relations encore effervescentes entre Alger et Paris, la diplomatie française a choisi de ne pas jeter l’huile sur le feu et de réagir de manière aussi épidermique et sanguine comme le fait régulièrement le régime algérien.

D’autant plus qu’une nouvelle donne s’est imposée dans le débat politique français ces dernières mois, concernant la nécessité de revoir l’accord de 1968 qui organise de manière spécifique la relation migratoire entre la France et l’Algérie. Cet accord donne une préférence et des avantages structurels aux candidats algériens à l’immigration. Cette proposition a été médiatisée par l’ancien ambassadeur en Algérie, Xavier Driencourt, et adoptée par de nombreuses forces politiques en France notamment la droite républicaine et l’extrême droite.

Les promoteurs de cette annulation estiment que si la France veut lutter efficacement contre l’immigration, elle n’a pas d’autres choix que de revoir l’accord de 1968. Un accord qui apparaît aux yeux du régime algérien comme une ligne rouge à ne pas dépasser sous peine de provoquer des réactions inattendues.

En attendant que les autorités françaises se prononcent officiellement sur le débat très politique autour de cet accord, la diplomatie française ne peut rester les bras croisés face aux choix politiques du régime algérien.

Ce qui est ouvertement questionné ici est le pari algérien du président Emmanuel Macron. Les nouveaux réajustements de la politique française au Maghreb viendront certainement le jour où la diplomatie française fera le constat de l’échec de ce pari.

Or aujourd’hui, il y a manifestement une résistance, voire un refus de reconnaître et d’avouer officiellement que ce pari français sur le régime algérien et dont la facture fut la dégradation dangereuse des relations entre la France et le Maroc, est définitivement perdu.

Au jour d’aujourd’hui, seules des personnalités de l’opposition française tirent la sonnette d’alarme sur la dangerosité et la confusion des relations entre Paris et les pays du Maghreb. Emmanuel Macron n’a évoqué ni la problématique algérienne ni la crise avec le Maroc depuis longtemps. Comme si aucun sentiment d’urgence ne s’imposait à l’Elysée pour clarifier les enjeux de cette relation si particulière avec les pays du Maghreb.

Article de Mustapha Tossa

Source : Hespress

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