La militarisation passe très mal au sein du corps de la police malienne. Dans un communiqué, en date du 18 octobre 2022, la Synergie des syndicats de la police nationale a réagi à ce projet. La Synergie veut comprendre les réelles motivations d’un tel projet qui s’apprête à passer devant le Conseil National de la Transition alors que « la démocratie ne rime pas avec une police militarisée ». Aussi, avant l’application dudit projet, la Synergie des syndicats de la police pose une batterie de conditions très fermes…
Le Conseil des ministres, tenu le mercredi 5 octobre 2022, avait adopté un projet de loi portant militarisation de la police nationale et de la protection civile. Cette décision a été prise à une période où les autorités de la transition veulent entamer le retour de l’administration dans certaines zones, autrefois occupées par les groupes terroristes. Or, la décision semble une pilule difficile à avaler pour le corps concerné. Cette militarisation permettra de déployer la Police nationale dans les zones reconquises par l’Armée afin d’y assurer la sécurité des populations et de leurs biens ; et empêcher le retour des forces du mal.
En effet dans un communiqué daté du 18 octobre 2022, la Synergie des syndicats de la police nationale a vivement réagi à cette décision des autorités de la transition. Elle a fait part de sa « stupéfaction comme l’ensemble des fonctionnaires de Police » concernant « l’adoption d’un projet de loi portant militarisation de la Police Nationale le 05 octobre 2022 par communiqué nº2022 42 / SGG du conseil des Ministres ».
Aussi, la synergie dénonce le fait que cette décision soit prise de manière « unilatérale » sans « consultation » ; quand bien-même serait-elle une recommandation des Assises nationales de la refondation. Ce projet, souligne le communiqué de la synergie, « n’a fait l’objet d’aucune consultation des acteurs concernés ». Et pire, après consultations entre syndicats, et la rencontre avec le Directeur Général de la Police Nationale, le Ministre de la Sécurité et de la Protection Civile, la synergie a été surprise de constater que « ce projet qui va désormais gouverner la vie de toute une corporation est porté de manière unilatérale, sans faire de discussions en Conseil Supérieur de la Police ».
Toutefois, selon la Synergie des syndicats de la Police, ce projet sur lequel le Conseil National de Transition est appelé à prononcer « apparait comme la matérialisation sur le papier de ce qui est déjà une réalité sur le terrain, c’est – à – dire, malgré ses maigres moyens, la Police est présente sur les théâtres d’opérations, partout sur l’ensemble du territoire national et participe à la défense opérationnelle du territoire, mission qui en temps normal est dévolue à l’Armée ».
La synergie ne s’inscrit pas dans une démarche de défiance, car, selon elle, « la Police Nationale dans son ensemble est prête à apporter sa pierre à la refondation de l’Etat, si cela passe obligatoirement par sa militarisation, cependant elle reste dubitative sur beaucoup de zones d’ombre qui émaillent les contours liés à ce projet ».
Pour clarifier ces zones d’ombres, une commission de réflexion composée de Commissaires, d’officiers, et sous – officiers de police en activité, à la retraite, et d’experts se sont retrouvés pour élaborer un mémoire de propositions, afin de répondre efficacement aux questions soumises par la Commission Défense et Sécurité du Conseil National de Transition. Sur ce, la synergie des syndicats a participé le jeudi 13 octobre 2022 à la séance d’écoute sur invitation de ladite Commission au cours de laquelle des conditions ont été posées.
Lors des échanges, les représentants de la synergie ont insisté sur « la nécessité d’un renvoi pour mener des discussions préalables afin d’aboutir à un projet consensuel dont les contours seront déjà connus avant l’adoption ; la préservation des acquis en terme d’avantages , surtout l’architecture de la Police en la dotant d’un statut militaire spécial car la Police a ses spécificités et les avantages liés à ces spécificités doivent être impérativement préservés, les garanties en amont du maintien des Corps et Grades en ayant des équivalences avec ceux de l’armée afin d’avoir une grille harmonisée dans le nouveau statut ».
Par ailleurs, la Police – étant au service du peuple – estime conserver le droit d’opiner sur la pertinence d’un tel projet de loi. Pour la synergie, « si cette militarisation émane du peuple, ce même peuple demandera la démilitarisation un jour, car la démocratie ne rime pas avec une police militarisée ».
La synergie, toutefois, demande aux policiers de rester mobilisés, jusqu’à l’aboutissement de la revendication. Elle a, du reste, alerté les plus hautes autorités et pris à témoin l’opinion nationale et internationale des dangers liés à « une militarisation déséquilibrée, remettant en cause les acquis de la Police Nationale dans sa spécificité ». Elle se dit engagée jusqu’à la dernière seconde.
Il convient de préciser que, selon ce projet, les fonctionnaires de la Police nationale et de la Protection Civile – engagés en opération – bénéficieront des mêmes avantages que les autres militaires.
Lire en encadré le communiqué de la synergie des syndicats de la police
Binadjan Doumbia
Source Malikilé