Dans les salons, dans les véhicules de transport public, dans les Grins,
sur les réseaux sociaux…, les témoignages sur les erreurs de diagnostic
au niveau de tous les niveaux de notre pyramide du système de santé se
multiplient. Des erreurs pouvant causer d’autres maladies chez les
patients voire entraîner la mort si elles ne sont pas identifiées à temps.
Une situation qui, à la longue, peut compromettre les immenses
sacrifices consentis par l’Etat et certaines communautés voire des
bonnes volontés pour améliorer le plateau technique de nos structures
sanitaires afin d’assurer aux populations une meilleure prise en charge
médicale.
«Il est plus important de connaître le malade que la maladie dont il souffre»,
disait Hippocrate. Malheureusement, nous avons aujourd’hui l’impression que
nos infirmiers et médecins ne connaissent ni l’un ni l’autre. Et cela à cause de
la multiplication des erreurs de diagnostics.
Loin de nous toute volonté de jeter l’opprobre sur une noble profession alors
que la nôtre est loin d’être une référence ces derniers temps. Mais, il est
temps de susciter la réflexion et un vrai débat constructif sur les erreurs de
diagnostic qui sont en train de devenir un véritable problème de santé
publique dans notre pays. En dehors des témoignages qui se multiplient sur
les réseaux sociaux, il n’est plus rare qu’on nous interpelle sur cette épineuse
question.
«Les erreurs de diagnostic constituent aujourd’hui une grande plaie de la
santé au Mali et coûtent la vie à de nombreux patients», reconnaît B.
Coulibaly, un infirmier d’état à la retraite. «La défaillance dans cette étape
cruciale pour la réussite de tout traitement médical a tendance à se
généraliser. Et la responsabilité est partagée ; notamment entre les
laborantins, les médecins…», ajoute-t-il.
En tout cas, les différents témoignages lui donnent plus que raison. «Il y a
moins d’un an, ils ont diagnostiqué un diabète chez une tante qui a été
aussitôt mise sous traitement. Mais, j’ai insisté pour qu’elle retourne en France
(où elle a longtemps résidé) pour un bilan de santé. Résultat : Elle n’est pas
diabétique ! Et depuis elle ne cesse de me bénir pour l’avoir poussé à
retourner en France afin de savoir de quoi elle souffrait exactement», nous a
récemment confié un confrère de la place !
«Je suis actuellement à mon 3e cas de faux diagnostic sur des proches. Ils ont
proposé une chirurgie du cœur à une nièce de 28 ans pour cardiomégalie.
Quand je l’ai envoyée en Tunisie, on s’est rendu compte que ce sont les
médicaments prescrits ici qui contribuaient plutôt à lui gonfler le cœur. Après
une semaine à Tunis sans la prise dudit traitement, elle est revenue en très
bonne santé», témoigne un jeune opérateur économique.
Elle a échappé belle à la chimiothérapie et à l’ablation totale du sein
«Le 2e cas était aussi un cas de faux cancer du sein. Le 3e cas est
actuellement à Istanbul pour un faux kyste ou fibrome. Tout ce qui a été
diagnostiqué ici est complètement faux. Pourtant ils nous ont fait payer des
scanners, des analyses et autres. Que d’examens coûteux», déplore-t-il. «Ici,
au Mali, un médecin a proposé la chimiothérapie, un autre a proposé
carrément l’ablation totale du sein de ma tante qui, selon eux, développait un
cancer du sein. Arrivée à Istanbul (Turquie), le médecin a procédé à la
biopsie. Résultat ? Zéro cancer détecté ! Juste la mastite. Là il a prescrit des
antibiotiques, elle va bien…», témoigne un Malien de la Diaspora.
«Un jour ils ont voulu opérer mon petit cousin des deux yeux en nous assurant
que s’il on ne l'opère pas en urgence, il va devenir aveugle. Paniqué, son père
l'a amené en urgence en Tunisie où ce diagnostic s’est avéré totalement
faux», déplore un internaute.
«Dans une clinique privée au Golf, le médecin me dit que j'ai l’hémorroïde. Il
m'a prescrit une ordonnance. J’ai déchiré son ordonnance en sortant de sa
clinique, en regrettant bien sûr les 20 000 F Cfa payés comme frais de
consultation. J'ai ensuite expliqué mes symptômes à un pharmacien qui y a vu
plutôt une intolérance à l'eau du robinet dont j'avais perdu l'habitude de boire
pendant des années. Il m’a donné de la polaramine (anti-allergique). Et du
coup, tous les symptômes ont disparu !», témoigne un autre compatriote de la
diaspora malienne aux Etats-Unis. Comme lui, elles sont nombreuses les
personnes qui nous ont confié qu’elles préfèrent voir un pharmacien, lui
expliquer ce dont elles souffrent et suivre ses prescriptions.
Tout le monde n’a pas leur flair. «On m'a fait un faux diagnostic de sinusite
avancé. J'ai subi une ponction parce que, selon le médecin, c'était le seul
recours à faire d'urgence le même jour pour calmer les problèmes
respiratoires que j'avais. Plus tard j'ai su que je n'avais jamais eu de sinusite.
Mais j'ai déjà une narine perforée. Je préfère en rire parce que franchement
c’est une grande connerie», ironise un patient !
Entre sous-équipement et incompétence du personnel des laboratoires
et des structures sanitaires
Les témoignages sur les faux diagnostics et les erreurs médicales sont légion
dans notre pays. Et bien naturellement que les patients interpellent les
autorités du pays pour trouver une solution pérenne à cette situation. Selon
nos investigations, ces erreurs de diagnostic sont en partie liées non
seulement au sous-équipement de certaines structures, mais aussi à la
négligence des laborantins, à la mauvaise interprétation des résultats ; au
manque de professionnalisme du personnel… Dans un secteur aussi
important que la santé, les conséquences de l’incompétence sont tragiques.
«L’Etat a fait des efforts énormes ces dernières années pour relever le plateau
technique de nos structures de santé. Mais, la formation fait toujours défaut
dans la plupart des cas. Ce qui peut aussi aboutir à un manque d’éthique dans
un secteur où la cupidité détermine les normes. Comme dans tous les autres
domaines qui n’offrent pas aux citoyens d’autres recours, la cupidité, le gain
facile a tout chamboulé», déplore notre infirmier d’Etat.
«A l’image des écoles de formation dans le domaine de la santé, les
laboratoires d’analyses biomédicales poussent dans le pays comme des
champignons sans aucune assurance de compétence, de professionnalisme,
donc sans aucune garantie de qualité», dénonce un professeur du domaine.
A quel saint se vouer aujourd’hui ? Cette situation s’ajoute désormais aux
nombreux défis que l’Etat doit relever pour faciliter l’accès de toutes les
couches de la population à des soins de qualité. Ces derniers mois, des efforts
louables ont été par exemple consentis pour relever le plateau de nos
hôpitaux. Tout comme il faut saluer la récente signature des contrats de
performance entre les directeurs des hôpitaux du Mali et le ministre de la
Santé et du Développement social, Mme Diéminatou Sangaré.
Cette initiative vise à soutenir l’application de la loi hospitalière, à renforcer la
performance des Directeurs généraux des hôpitaux à travers certains
indicateurs spécifiques. Il s’agit notamment de la gouvernance hospitalière ;
l’hygiène hospitalière ; la gestion des urgences ; le climat social ; la gestion
financière. Chacun de ces indicateurs fera l’objet d’une évaluation assurée par
l’Agence nationale d’évaluation et d’accréditation des établissements de Santé
(ANAES) qui adressera un rapport au département de tutelle.
Certes, il faudra sans doute davantage pour améliorer la qualité des soins de
santé dans notre pays. Mais, si la volonté politique manifestée par les
autorités ces derniers mois s’inscrit dans la constance sur le long terme,
l’espoir d’un accès équitable à des soins de santé de qualité est permis !
Moussa Bolly
Un hôpital de dernière génération pour réduire les évacuations sanitaires
à l’étranger
En marge de la célébration du 62e anniversaire de l’indépendance de notre
pays, le président Assimi Goïta et son invité d’honneur, le Colonel Mamady
Doumbouya de la République de Guinée, ont assisté à une projection sur le
projet de construction et d’équipements d’un complexe hospitalier de 4e
référence à Bamako. Une initiative qui vise à réduire les évacuations
sanitaires à l’étranger d’au moins à 95%. L’objectif avec ce nouveau complexe
hospitalier est d’ailleurs de parvenir à «zéro évacuation» vers l’extérieur.
Et le ministre de la Santé et du Développement social, Mme Diéminatou
Sangaré, est convaincu que ce défi est à la portée de notre pays. Evoquant
les principales causes des évacuations sanitaires dans notre pays, l’équipe
technique de son département a rappelé que le Mali investit annuellement des
milliards de F CFA dans les évacuations sanitaires.
Ces fonds, si le présent projet est réalisé, contribueront désormais à renforcer
le système de santé au Mali. Mieux, le Mali pourrait être aussi une destination
pour les patients de certains pays voisins, notamment les populations
frontalières. En tout cas, les autorités de la Transition ne cachent plus leur
détermination à améliorer le secteur névralgique de la santé.
M.B
Source: Le matin