La classe politique malienne, singulièrement l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ), est en deuil suite au décès du Pr. Marimantia Diarra à 75 ans. Président du Comité exécutif (CE) de l’Adéma-Pasj depuis le 18 octobre 2021, il s’est éteint dans la nuit du samedi 22 au dimanche 23 juillet 2023 à son domicile. A noter que cet influent leader politique était également l’un des vice-présidents du Conseil national de transition (CNT). Sa disparition est une grosse perte pour l’Adéma au moment d’aborder les prochaines échéances électorales.
«Le Comité exécutif du parti Adéma-Pasj a l’immense douleur de vous faire part du décès du président du parti, Pr. Marimantia Diarra, ce jour 23 juillet 2023, à 1h du matin à son domicile» ! C’est ainsi que le Secrétaire général du parti a annoncé la disparition de celui qui était considéré comme un mastodonte politique dans tout le sens du terme. Une immense perte pour «La Ruche» (siège de l’Adéma-Pasj) qui avait retrouvé un semblant de stabilité sous sa direction. Siégeant aussi au Conseil national de transition (CNT), dont il était l’un des vice-présidents, l’illustre défunt était devenu ces derniers mois l’une des personnalités politiques les plus influentes du pays, un grand soutien pour les autorités de la transition.
«Il reste beaucoup de défis à relever, dont le retour à l’ordre constitutionnel après des réformes et l’organisation d’élections générales démocratiques…», avait-il rappelé lors d’une causerie-débat organisée par son parti en mars 2023 à l’occasion de la commémoration de la Journée des martyrs (26 mars). Hélas, le sort a décidé qu’il ne verra pas la fin de cette transition. Et il sera l’un des grands absents sur la dernière ligne droite menant au retour à l’ordre constitutionnel. Un retour qu’il aurait aussi souhaité voir marquer par la reconquête de la présidence par l’Adéma.
Né en 1948 à Diéma, Marimantia Diarra est un professeur d’enseignement supérieur de classe exceptionnelle. Sur le plan politique, il a été Secrétaire général de la section Adéma de Diéma puis du Comité exécutif (CE) de ce parti. Directeur général du Projet de gestion des ressources naturelles (PGRN) du Mali de janvier 1993 à décembre 2002, l’illustre défunt fut aussi ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé du Plan de 2002 à 2004. Vice-président du Comité national du crédit de 2002 à 2007 ; membre suppléant de la Conférence des ministres chargés des Finances de la zone franc d’octobre 2002 à septembre 2007, Marimantia a également été gouverneur suppléant pour le Mali pour plusieurs organismes internationaux de 2002 à 2007. Ministre du Plan et de l’Aménagement du Territoire du Mali de Mai 2004 à septembre 2007, il a aussi présidé le Conseil d’administration de la Banque Commerciale du Sahel (BCS-SA).
Un «événement tragique» qui va impacter la vie de «La Ruche»
Tout comme il fut le représentant du président de la République et président du Conseil de surveillance du Millénium challenge Account-Mali (MCA-Mali). Président d’honneur de l’équipe «Da Monzon football club», le Professeur Diarra a été le Secrétaire général de l’Association pour le désenclavement des cercles de Diéma et Nioro du Sahel. Il a été décoré à l’Ordre national du Mali. Le parti a naturellement des raisons d’être «bouleversé» par «cet événement tragique» qui va sérieusement impacter sa vie dans les mois à venir.
Président du Comité exécutif (CE) de l’ADEMA-PASJ depuis le 18 octobre 2021, son élection symbolisait le retour en force des «très proches» compagnons du président Alpha Oumar Konaré. Le choix porté sur sa personne consacrait aussi la volonté de changement tant souhaité par de nombreux militants à la direction du parti. «Les délégués ont estimé qu’il était temps de changer de mode de gouvernance. L’objectif, désormais, c’est de renforcer les acquis de l’Adema, de consolider la discipline du parti et d’en élargir la base», avait confié Marimantia Diarra à un journal panafricain après son élection.
Peut-il remettre l’Adema sur le devant de la scène ? C’est la question que certains se posaient à son sujet après le choix porté sur lui le 18 octobre 2021. En véritable équilibriste, Marimantia a su s’imposer comme un rassembleur en tenant à ne faire la part belle à aucune tendance, à aucun clan au sein de «La Ruche». Ce qui fait que sa disparition, au-delà des émotions, est une grosse perte pour l’Adéma-Pasj au moment où le parti se prépare à entrer dans une zone de turbulence avec les prochaines élections, notamment la présidentielle. Ce dernier scrutin a toujours soumis l’unité et la cohésion de l’Alliance à rudes épreuves.
Et ils sont nombreux les observateurs qui pensent que la prochaine présidentielle ne fera pas exception à cette triste réalité. «L’Adéma-Pasj ira à la prochaine présidentielle avec 3 groupes. Le premier est pro-militaire ; le second est acquis à la cause de Seydou Cira Coulibaly (Seydou Mamadou Coulibaly, leader du Mouvement Benka) et le dernier favorable à une candidature interne», a récemment analysé une éminence grise de l’Adéma qui, ces dernières années, a pris ses distances avec la direction du parti.
Son analyse met en évidence les risques de tension déstabilisatrice à l’approche de la prochaine présidentielle. Il est clair que les futures échéances électorales seront cruciales pour l’avenir du parti. Nombre de ses cadres et militants soulignent aujourd’hui l’importance de présenter un candidat issu du sérail. La direction ira-t-elle dans ce sens ? «Le parti appréciera la stratégie à adopter pour la prochaine élection présidentielle… Le parti préparera sans délai le scrutin présidentiel à venir», avait assuré feu Marimantia Diarra.
Il faut déjà craindre que la succession de Marimantia à la présidence du parti ne relance la guerre des clans (Pros Alpha Oumar Konaré et ceux du Pr. Dioncounda Traoré) pour le contrôle de «La Ruche».
L’Adéma, si elle veut réellement revenir à Koulouba, a tout intérêt à faire l’économie d’une nouvelle crise interne. Afficher une unité à toute épreuve est le meilleur hommage que «La Ruche» puisse aujourd’hui rendre au défunt président de son CE, Pr. Marimantia Diarra !
Moussa Bolly
Source : Le Matin